Programme
Symphonie nº 5, en si bémol majeur, D 485 (1816)
Allegro
Andante con moto
Menuetto. Allegro molto
Allegro vivace
Symphonie nº 9, en do majeur, « la grande », D 944 (1825-1828 ?)
Andante – Allegro, ma non troppo
Andante con moto
Scherzo. Allegro vivace
Finale. Allegro vivace
Les premières symphonies de Schubert sont donc écrites dans l’esprit de Haydn, de Mozart et des deux premières symphonies de Beethoven. Les liens thématiques avec le modèle sont parfois si évidents et si candides qu’on a l’impression d’une référence explicite, voire d’un hommage délibéré : ainsi dans l’intime Cinquième Symphonie en si bémol (septembre-octobre 1816), pourtant la page instrumentale la plus originale, la plus pure, la plus parfaite et la mieux équilibrée que Schubert ait écrite jusque-là, on perçoit un très net écho de la Quarantième Symphonie en sol mineur de Mozart. Mais Schubert ne fut ni le premier ni le dernier grand compositeur à avoir en tête des modèles précis : Wagner, Brahms, Schoenberg, Stravinsky, par exemple, continuèrent à «imiter» jusque dans leur vieillesse et Beethoven lui-même était plus âgé que Schubert ne le devint jamais avant de se contenter de références au passé plus allusives que directes…
Œuvre fondamentale, la Neuvième Symphonie en ut D 944, dite «La Grande», offre une maîtrise concise du rythme, des procédés structurels et rythmiques dignes du dernier Beethoven et une rigueur de la forme qu’on ne retrouve dans aucun autre ouvrage symphonique ou instrumental de Schubert. Si la Symphonie «Inachevée» était dès ses premières mesures profondément différente de toutes les symphonies de l’Histoire, notamment par son recours aux ostinatos rythmiques, au «silence expressif» et à un ambitus étroit des thèmes, la Grande Symphonie en ut s’oppose à l’«Inachevée» tout en semblant être issue de son «impasse» même. Elle représente la clé de voûte de toute la carrière de son auteur et, dans son respect de la forme stricte, elle est un jalon aussi essentiel que la Neuvième Symphonie de Beethoven (qui la rompt). En tant qu’exemple parfait d’unité interne (seulement une demi-douzaine de motifs élémentaires la gouvernent de bout en bout), elle est la pierre angulaire de toute la littérature orchestrale à venir. Elle porte aussi à son apogée la palette et les dons d’instrumentation de Schubert qui, en dépit de son peu de pratique de la direction, trouve d’emblée l’équilibre de couleurs et d’expressions rendant son orchestre limpide et homogène. La postérité des deux derniers chefs-d’œuvre symphoniques et orchestraux de Schubert, ignorés par tout le monde pendant un demi-siècle, est beaucoup plus grande qu’on ne le croit : il y a, malgré les différences de dimensions, une évidente filiation entre l’«Inachevée» et la Neuvième Symphonie de Mahler, comme il y a une filiation tout aussi indiscutable entre la Grande Symphonie en ut et les meilleures symphonies de Bruckner à partir de la Quatrième.
Patrick Szernovicz (extraits du programme du Bicentenaire Schubert au Châtelet en 1997)