LE CHÂTELET N’EST PAS UN THÉÂTRE COMME LES AUTRES, son bâtiment, son emplacement, son histoire, son répertoire, en font un lieu qui aura marqué l’Histoire de Paris avec un grand H, aussi bien que l’histoire de chacun avec un h minuscule. Ce lieu est un trésor et le plus beau est que ce trésor, nous ne finissons pas de l’échanger avec vous, créant plus d’enrichissement. C’est bien le sens de la culture que d’enrichir celui qui la partage.

Voilà que s’inaugure à ses côtés un espace piétonnier et ouvert au public qui deviendra l’une des plus belles places de Paris. C’était le rêve de l’architecte, qui a bâti ces deux théâtres en miroir, de les relier par un jardin, et que ce jardin accueille de la musique, du théâtre, de la danse et toutes les indisciplines. Et qu’il soit comme une image de la République, moins hautaine que les institutions politiques et vérifiée par le quotidien de tous.

Le projet démocratique du Châtelet s’affichera donc à l’intérieur comme à l’extérieur. Quel bâtiment pourrait si légitimement prétendre à la vie d’un grand théâtre populaire ? Cela a été dit mille fois, mais il est bon de le redire encore, le théâtre populaire n’est pas le théâtre populiste, de même que la foule n’est pas le peuple. C’est en étant exigeant que nous honorons le public, et c’est en faisant confiance au public que nous sommes guidés vers une intelligence dégagée de toutes les postures et de toutes les impostures du temps. Ce public fervent ne nous demande pas moins que tout, et il n’est pas dit que cela soit utopique.

Le Théâtre du Châtelet est éclectique et c’est tant mieux. Combien d’enfants y découvriront l’art et la beauté ? Et combien d’esthètes aguerris continueront d’y retrouver l’excellence ? Éclectique aussi dans ses formes et le sous-titre de « Théâtre musical de Paris » ne nous restreint en rien, la danse, l’indiscipline, le théâtre et même l’engagement ont besoin de musique. La musique elle-même a besoin de musique, c’est-à-dire de cette adhésion du plus grand nombre, qui la fait échapper au solfège et co-signer l’histoire.

Toutes les équipes du Châtelet partagent cette idée que nous devons être à la fois de notre temps et de toujours, à la fois novateurs et fertilisés par les héritages. Dès son ouverture, le Châtelet inventait son époque et construisait un répertoire éternel. Et les équipes du Châtelet ont assuré (parfois dans la tempête) cette continuité, ce savoir-faire, cette responsabilité démocratique du Châtelet.

Ce point d’exclamation qui accompagne le nom du Châtelet sur notre belle affiche, faite d’images arrachées au souvenir et au désir, doit nous faire comprendre qu’il est impératif de s’émerveiller. Qu’il est exclamatif de pouvoir entrer dans ce lieu magique et que le seul fait d’y entrer est un engagement et un espoir. C’est pourquoi nous ne remercierons jamais assez le public, qui dans les moments de crise n’a pas abdiqué le désir de venir s’asseoir sous les ors et les rouges, affirmant son impatience d’un monde meilleur. Un monde meilleur pour un soir, peut-être; mais qui sait ce que ce soir meilleur peut ensemencer de promesses et d’avenir ?