En 2023, vous avez été lauréate Réalisation artistique (musique populaire) des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, la plus haute distinction canadienne, et le gouvernement français vous a décerné le titre de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. À quand remonte votre inspiration pour une telle carrière ?

J’ai eu la chance de fréquenter très tôt l’École nationale de ballet à Toronto, de côtoyer des athlètes créatifs, j’y ai acquis la discipline et l’endurance. Ce que le ballet m’a inspiré revient sans cesse dans mon travail, dans mon engagement, ma force intérieure, ma confiance, ma posture. J’y puise ma façon de me tenir pour chanter et libérer mon diaphragme. J’étais encore une enfant lorsque mon mentor, l’incroyable Ed Mirvish, philanthrope et imprésario de théâtre, m’a dit deux choses fondamentales que je n’ai jamais oubliées :

« Chante toujours pour les spectateurs qui sont au fond, au balcon, aux places les moins chères : ils sont ceux qui t’aiment vraiment, lève la tête vers eux. »
« Avant d’entrer en scène, lorsqu’on annonce ton nom, compte jusqu’à 5 : crée l’attente, fais-toi désirer par ton public. »

Votre sixième album (sorti en 2014) se nomme Because of Billie (littéralement : « à cause de Billie »). Pourquoi ?

Je me tiens debout sur les épaules de Billie Holiday, sur celles de mes parents, et de tous ceux qui ont conduit le mouvement pour les droits civiques en Amérique. Je leur suis infiniment reconnaissante de la vie privilégiée que je leur dois, je rends chaque jour hommage à leur courage et à leur engagement pour l’égalité et la justice. J’ai appelé mon album Because of Billie pour attirer l’attention sur son héritage humaniste : dans un sens, je suis là aujourd’hui à cause d’elle, de ses convictions, de sa bravoure ! J’ai choisi de reverser les bénéfices de la vente de cet album au Canada à une association caritative pour les enfants afin d’honorer ceux qui, comme Billie, n’ont pas eu d’enfance.

Propos recueillis par Laurence Haxaire