24 Juin 2024
Entretien avec… Rachèle Raoult, styliste
Hip-hop 360 Show
Marqueur d'une époque, d'une identité, d'un gang parfois, le style vestimentaire a toute son importance dans ce spectacle-rétrospective.
Le projet Hip-Hop 360 Show est pensé comme une rétrospective d’un demi-siècle de cultures urbaines, en prenant appui sur des références cinématographiques qui mêlent fiction et documentaire : quel parti-pris avez-vous adopté pour les costumes ?
J’avais déjà l’expérience des films d’époque et je voulais éviter l’écueil de la reconstitution non réfléchie. J’entends par là une forme de reconstitution qui ne jouerait que sur nos imaginaires du présent pour donner à voir le style du passé. Si ces représentations sont souvent fondées, elles ne sont pas suffisantes. J’ai donc opté pour une approche résolument documentaire et documentée. À la manière d’une archéologue, j’ai fouillé, cherché et organisé de l’iconographie. J’ai fabriqué un corpus documentaire qui prend la forme d’un lookbook dans lequel je croise à la fois le vêtement, l’accessoire, le lieu mais aussi et surtout les personnes, afin de saisir des attitudes, des postures et des comportements. En travaillant sur le contexte, j’ai pu comprendre l’histoire du vêtement et celle de son usage : par exemple, les gens qui sortaient au Globo, haut lieu des premières soirées hip-hop du Paris des années 80, gardaient souvent leur blouson sur eux. Dès lors, un accessoire, une casquette, un bob, etc., pouvaient servir à se distinguer : ces différents éléments de contexte doivent être compris quand on veut retranscrire une atmosphère.
Après que vous avez réalisé les costumes de la série Le Monde de demain, voici que vous travaillez à nouveau sur le hip-hop : comment caractériseriez-vous ce mouvement, au point de vue du style ?
Je crois que, au départ, on ne peut pas parler de style à proprement dire. Au début des années 80, il n’existe pas encore de marques de hip-hop. Et les vêtements que portent les jeunes qui inventent ou découvrent le break, le graffiti puis le rap, sont des vêtements ordinaires qui peuvent tout à fait avoir été achetés sur le marché. À tel point qu’on caractérise aujourd’hui cette époque comme celle du « no style ». Ensuite, l’enjeu a été de se distinguer afin de paraître plus libre, et ce parfois juste avec un accessoire : certains ont pu trouver leur pas de danseur grâce à des chaussons de kung-fu, à la manière de Bruce Lee, par exemple. C’est tout le jeu de la distinction et de l’appartenance.
Très vite, le vêtement devient le marqueur de l’identité d’une bande, et un style s’affirme : alors que se créent les premiers battle, ce sont les bleus contre les rouges au Roxy ou encore maillots de base-ball contre blousons de cuir customisés… En France, on s’est beaucoup inspiré des États-Unis en adaptant ces modes et en les transformant. Mais le plus petit dénominateur commun dans l’histoire du style hip-hop, c’est la capacité d’individualisation couplée au sentiment d’appartenance. Aujourd’hui, il y a une force d’affirmation de soi par le vêtement avec une liberté sans limite. Cette culture rayonne partout, à tel point que des B‑Boys sont sponsorisés par l’industrie de la mode, toujours attentive et réceptive aux mouvements issus de la rue. Il n’en reste pas moins que le hip-hop continue de faire naître autant de styles que de danseurs !
Propos recueillis par Aurélien Poidevin
On caractérise aujourd’hui cette époque comme celle du « no style »