29 Nov. 2021
50 opéras et orchestres s’alarment de la "fragilité" de la reprise
Collectif
Alors qu’elles ont rouvert dans l’enthousiasme, les salles de spectacle sont loin d’avoir retrouvé la fréquentation d’avant la crise sanitaire. Les directrices et directeurs d’une cinquantaine d’opéras, orchestres et théâtres s’en inquiètent dans une tribune. Ils plaident pour que la culture, en laquelle ils voient une source de partage avec le monde, ne soit pas absente des débats de la présidentielle.
Depuis quelques semaines, les orchestres et opéras bruissent d’une joie retrouvée, renouvelée, ravivée. La joie grisante de renouer chaque soir avec un public impatient, de mettre enfin des visages sur les messages de soutien reçus lors de cette interminable parenthèse sanitaire. Nos portes sont bel et bien ouvertes, les artistes sur scène, nos équipes en coulisses, et le bonheur de ces retrouvailles électrise les villes et territoires dans lesquels nous vivons et travaillons.
Pourtant, après seulement un mois d’ouverture, certains percevaient déjà la fragilité de ce renouveau d’activité. Fin octobre, une étude de l’institut Harris pour le compte du ministère de la culture venait jeter une ombre au tableau, confirmant les remontées de terrain des équipes d’accueil des 50 opéras et orchestres que compte notre réseau : de nombreux Français hésitent encore à reprendre le chemin des salles de spectacle. S’il est encore trop tôt pour distinguer ce qui relève de changements durables dans les pratiques culturelles de nos concitoyens d’une réserve temporaire liée aux inquiétudes sanitaires et à ses conséquences sociales et psychologiques, il nous semble nécessaire de regarder en face ce phénomène et, plus encore, de réaffirmer ce que la culture a d’essentiel à apporter à nos vies.
On ne peut ignorer ce qu’a pu produire le Covid et ses confinements à répétition, ces vies parallèles enfermant chacun dans son couloir, rétrécissant nos imaginaires, asséchant notre soif de découverte. Retrouver le goût des autres n’a rien d’une évidence. À l’heure où l’on s’empresse de rattraper le temps avec ses proches, le retour vers les lieux de création peut sembler à certains accessoire, secondaire. La culture, pensée comme un mouvement de découverte du monde, de l’inconnu, se tiendrait à l’écart de cette pulsion de retour vers soi, de cette préoccupation pour ce qui nous traverse intimement et pour ce qui nous relie à nos proches.
Et pourtant, plus que jamais, nos maisons font face aux questionnements bouleversants qui traversent nos concitoyens et notre société. Elles les regardent avec lucidité, les exposent à la vue de tous sur leurs scènes, s’en emparent avec pour seul objectif de mieux comprendre et se comprendre. Loin d’un effort supplémentaire à fournir par principe, nous défendons une culture qui soit pour chacun une source de plaisir, de réconciliation avec soi-même et de partage avec le monde. Dans nos maisons, qui sont d’abord les vôtres, on rit, on pleure, on se rencontre et on se découvre. Dans nos maisons, on débat de sujets fondamentaux, de nos dilemmes intimes comme de nos espoirs collectifs. Une culture au contact du réel mais ne s’y laissant pas enfermer, forte des imaginaires artistiques permettant de le transformer et de porter un avenir commun.
Rien de ce qui concerne les hommes n’est étranger à la culture
Défi environnemental et climatique, relance économique et insertion des jeunes, crise civique et tentation identitaire, rien de ce qui ne vous concerne ne nous est étranger. À vos côtés, nous cherchons des réponses. Au travers des œuvres que nous partageons avec vous d’abord, mais aussi humblement dans l’action quotidienne de nos établissements, qui s’interrogent et agissent sur leur propre empreinte pour l’environnement et sur leur territoire.
Dans quelques jours, nous publierons pour la première fois le livret de saison citoyenne des orchestres et opéras de France, rendant compte des 150 actions et projets locaux portés par notre réseau aux quatre coins du pays. Pour rappeler que les lieux de culture sont plus que jamais traversés par les urgences auxquelles notre société fait face. Pour faire connaître à tous l’ardent engagement de nos maisons, à l’initiative d’une programmation tournée vers les territoires et ceux qui l’habitent. Pour permettre à chacun, dans les prochains mois, de se saisir autrement de ces enjeux cruciaux, arrimés au cœur de nos quotidiens et des futurs à inventer ensemble. Pour que la culture, bel et bien essentielle, ne soit pas une fois encore la grande oubliée du rendez-vous présidentiel.
Signataires :
Alain Surrans, Angers-Nantes Opéra
Aline Sam-Giao, Auditorium-Orchestre national de Lyon
Jean-Louis Grinda, Chorégies d’Orange
Olivier Leymarie, Ensemble Intercontemporain
Pierre Audi, Festival d’Aix-en-Provence
Dominique Bluzet, Grand Théâtre de Provence
Sabine Perret, Les Musiciens du Louvre
Manuel Sebastian, Nuits lyriques de Marmande
Louis Langrée, Opéra comique
Dominique Pitoiset, Opéra de Dijon
Caroline Sonrier, Opéra de Lille
Alain Mercier, Opéra de Limoges
Philippe Bellot, Opéra de Massy
Bertrand Rossi, Opéra Nice Côte d’Azur
Serge Gaymard, Opéra de Reims
Matthieu Rietzler, Opéra de Rennes
Loïc Lachenal, Opéra de Rouen Normandie
Éric Blanc de la Naulte, Opéra de Saint-Étienne
Claude-Henri Bonnet, Opéra de Toulon
Laurent Campellone, Opéra de Tours
Frédéric Roels, Opéra Grand Avignon
Emmanuel Hondré, Opéra national de Bordeaux
Matthieu Dussouillez, Opéra national de Lorraine
Richard Brunel, Opéra national de Lyon
Alain Perroux, Opéra national du Rhin
Valérie Chevalier, Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie
Jean-Marie Blanchard, Orchestre de Cannes
Floriane Cottet, Orchestre Dijon-Bourgogne
Nicolas Droin, Orchestre de chambre de Paris
Anne-Sophie Brandalise, Orchestre de Paris
Pierre Brouchoud, Orchestre de Picardie
Julie Mestre, Orchestre des Pays de Savoie
Lila Forcade, Orchestre national d’Auvergne
Fabienne Voisin, Orchestre national d’Ile-de-France
François Bou, Orchestre national de Lille
Florence Alibert, Orchestre national de Metz
Frédéric Morando, Orchestre Pau Pays de Béarn
Marie Linden, Orchestre philharmonique de Strasbourg
Philippe Grison, Orchestre régional Avignon-Provence
Pierre-François Roussillon, Orchestre régional de Normandie
Nolwenn Ochotny, Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine
Marc Feldman, Orchestre symphonique de Bretagne
Guillaume Hébert, Orchestre symphonique de Mulhouse
David Olivera, Orchestre Victor-Hugo-Franche-Comté
Jean-Marc Bador, Orchestre philharmonique de Radio France
Johannes Neubert, Orchestre national de France
Jean-Baptiste Henriat, Chœur de Radio France
Emmanuel Marfoglia, Renouveau lyrique
Patrick Foll, Théâtre de Caen
Christophe Ghristi, Théâtre du Capitole de Toulouse
Thomas Lauriot dit Prevost, Théâtre du Châtelet
Martin Kubich, Vichy culture