17 Févr. 2023

Article

Remi Hostekind

David Krakauer et Kathleen Tagg - Explorateurs du son

Le Châtelet fait son jazz

Avec Mazel Tov Cocktail Party !, David Krakauer et Kathleen Tagg célèbrent notre humanité commune et transmettent un message de positivité. A leurs côtés sur scène, des artistes sans frontières de genres ni de culture.

Danse carrée ? Polka ? Hornpipe, Hora et Calypso ? Rythmes urbains mêlés à des instruments acoustiques et à un rap qui donne à réfléchir ? Quelle est donc cette musique ? C’est Mazel Tov Cocktail Party! Celle du dernier album de David Krakauer, compositeur et chef d’orchestre, virtuose de la clarinette, associé pour l’occasion à la singulière productrice Kathleen Tagg et ses claviers. Ils y gomment les lignes de genre entre jazz, klezmer, classique et traditionnel. Exit aussi les frontières de culture : le groupe réunit la chanteuse et rappeuse soul canadienne Sarah MK, le batteur iranien Martin Shamoonpour, le gourou du jazz Jerome Harris à la basse et à la voix, et le oudiste-guitariste Yoshie Fruchter. Depuis 25 ans, David Krakauer est le fer de lance de projets qui rassemblent des éléments multiculturels de manière inattendue. Il est aussi considéré comme l’une des principales forces qui redéfinissent et ré-imaginent la musique de son héritage juif d’Europe de l’Est, la musique klezmer.

Un antidote à la morosité

Son leitmotiv ? Célébrer notre humanité commune avec joie et positivisme. Et pour cela, Kathleen est la complice parfaite : « Nous sommes dans une période où les gens ont besoin de connexion : la musique permet cela, affirme-t-elle. C’est un antidote à la morosité ». David renchérit : « Nous mettons en avant de l’espoir, des vœux, un idéal. Par ricochet, la joie que nous insufflons dans notre musique peut inspirer nos spectateurs à faire de bonnes choses en sortant de nos concerts ! Nous avons un devoir de positivité, c’est notre modeste part pour rendre le monde meilleur ». En 2020, en plein confinement, David Krakauer et Kathleen Tagg créent Mazel Tov Cocktail Party!. Le premier clip, éponyme, est alors tourné par chaque musicien chez lui, puis assemblé digitalement : le groupe ne s’est physiquement rencontré que quelques mois plus tard, lorsqu’il a de nouveau été autorisé de se réunir : « C’était incroyable de retrouver les gens pour jouer en live après le confinement, de sentir leur énergie. D’être ensemble, entre humains », se souvient Kathleen.

Mazel Tov Cocktail Party! reprend des formes de danse traditionnelles et anciennes et les refond complètement pour apporter un message manifeste de tolérance. La polka, la danse carrée et la hora n’ont jamais sonné de cette façon auparavant, avec des rythmes électro, des tambours à main acoustiques du Moyen-Orient, des grooves profonds et des paroles qui appellent à l’inclusion. C’est une soirée cocktail Mazel Tov et tout le monde est invité : une square danse traditionnelle avec des paroles en français québécois ou un rythme de boîte de nuit de Brooklyn, des tambours sur un daf iranien et un rythme de beatmaker né au Maroc et produit à New York… « Dès notre première collaboration en 2012, nous avons accordé notre énergie, nos engagements profonds et notre curiosité insatiable, relate Kathleen.

Le groupe Mazel Tov Cocktail Party sait mettre la foule en mouvement ». David complète : « C’est notre espoir pour l’Amérique, la métaphore d’un dialogue universel ouvert, multiple et réuni ». Nous avons demandé à David et Kathleen quel serait le message avec lequel ils aimeraient que les spectateurs repartent du Châtelet fait son jazz. Le premier s’est exclamé : « Sortez, découvrez, soyez vivants et faites tout ce que vous pouvez pour amener de la joie dans le monde ». La pianiste a conclu : « Suivez votre cœur, trouvez et partagez le plus de positivité possible, gardez les bonnes vibrations et diffusez-les » !

Laurence Haxaire


Enfances en joie, adultes en jazz David Krakauer et Kathleen Tagg ont en commun cette joie communicative qui nous fait danser aux premiers de leurs accords. Ce sont leurs mentors qui leur ont insufflé cette émotion exaltante dès la petite enfance. Ils la transmettent aujourd’hui sur les scènes du monde entier.

Pourquoi avez-vous choisi la clarinette ?
D.K. : Enfant, j’étudiais à la New York City Public School. À dix ans, j’y ai eu l’opportunité d’apprendre un instrument de musique. J’ai demandé conseil à ma mère, qui était violoniste concertiste : « Tu es trop vieux pour te mettre au violon, m’a-t-elle dit : tu devrais essayer un instrument à vent, la clarinette, la flûte ? ». Je l’ai prise au mot et me suis lancé dans le premier de sa liste. Et puis un jour, j’ai entendu un morceau de Sidney Bechet : dès la première note, il m’a empli de joie et fait entrevoir de magnifiques histoires. J’ai alors basculé de l’univers musique classique de mes parents au monde qui allait devenir le mien : empreint de jazz.

Pourquoi avez-vous choisi le piano ?
K.T. : J’ai grandi en Afrique du Sud. Petite, la contrebasse me faisait rêver. Mais nous étions une famille nombreuse, et ma mère n’a cédé qu’au violoncelle. Et puis à cinq ans, je suis allée à un concert à l’école. J’y ai entendu l’une de mes amies jouer du piano à quatre mains avec son grand frère. Or, mon propre grand frère a toujours été mon héros : en voyant cela, je n’ai plus rêvé que de faire la même chose. Les deux années suivantes j’ai étudié le piano de 5 h à 7 h du matin, obsessionnellement, avant l’école. Les leçons avec mon professeur Claudine van Breda étaient tellement joyeuses ! Elle a instillé l’amour de la musique en moi…

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