13 Mars 2023
Karl Paquette
L’entretien
Le danseur étoile Karl Paquette a toujours souhaité transmettre au jeune public la passion de la danse, sa magie et sa féerie. Après l’immense succès de "Mon premier Lac des cygnes", il nous raconte les secrets de la création de "Il était une fois Casse-Noisette".
Est-ce le succès de Mon premier Lac des cygnes qui vous a poussé à monter ce Il était une fois Casse-Noisette ?
Il est vrai que la réussite d’un spectacle donne des ailes. Mais depuis le début de cette aventure, j’étais convaincu que les trois chefs-d’œuvre de Marius Petipa que sont Le Lac des cygnes, Casse-Noisette, et La Belle au bois dormant se prêtaient particulièrement à une adaptation en direction du jeune public car ce sont des ballets mythiques. Grâce à Tchaïkovski, vrai génie de la musique, et parce que leurs thèmes sont éternels. Même s’ils peuvent paraître un peu complexes pour des enfants, ils font rêver tout en gardant une part de mystère. C’est surtout pour moi une façon de transmettre ma passion de la danse aux plus jeunes. Mais, sur Mon premier Lac des cygnes, j’ai également eu des retours enthousiastes d’adultes qui ont découvert le monde du ballet grâce à ce spectacle.
C‘est à l’issue de Casse-Noisette que vous avez été nommé Étoile à l’Opéra de Paris. Ce ballet tient-il une place particulière dans votre vie ?
Oui, bien sûr ! Et je trouve dommage que, contrairement à la plupart des grandes compagnies du monde qui le dansent presque tous les ans à Noël, cette tradition n’existe pas à l’Opéra, où il pourrait être dansé plus souvent.
Comment l’avez-vous adapté pour les enfants ?
Je voulais vraiment tout réécrire pour mettre le ballet à hauteur d’enfants. Nous avons transposé le conte d’Hoffmann revu par Alexandre Dumas aux XVIe et XVIIe siècles, époques d’un raffinement extrême, ce qui souligne le caractère merveilleux de cette féerie-ballet. Sans tout dévoiler, c’est un livre qui nous racontera cette histoire. Il y aura de l’humour, beaucoup de pâtisseries pour le deuxième acte qui se situe à Konfiturenburg, le pays des friandises, toutes choses susceptibles de ravir les plus jeunes. Et puis la narration confiée à Clément Hervieu-Léger facilite la compréhension de l’histoire pour que les enfants ne se perdent pas en route. Ponctuellement, cette voix off leur rappelle ce qu’ils viennent de voir ou fait avancer l’intrigue. Ce qui leur permet de rester en éveil.
Avez-vous procédé à des coupes par rapport au ballet original ?
Je reste persuadé qu’il faut un format relativement court. Mais Casse-Noisette étant beaucoup moins long que Le Lac des cygnes, nous avons gardé la quasi-totalité du ballet pour entrer dans notre format de deux fois quarante minutes.
Gardez-vous la même équipe artistique que pour Mon premier Lac des cygnes ?
On ne change pas une équipe qui gagne ! C’est une équipe soudée, à l’écoute, dont l’alchimie est remarquable. Chacun s’intègre au fur et à mesure du projet et je coordonne le tout. Fabrice Bourgeois, ancien soliste, désormais maître de Ballet à l’Opéra de Paris, est l’un des plus brillants chorégraphes que je connaisse, le costumier Xavier Ronze, responsable du pôle costumes de l’Opéra de Paris, conjugue à son savoir-faire le sens du merveilleux, Nolwenn Cleret, artiste peintre réalise les décors et Clément Hervieu-Léger sociétaire de la Comédie-Française, metteur en scène et dramaturge, a écrit et dit la narration. Et entendre sa voix reste un moment magique pour tout spectateur.
Comment avez-vous constitué votre groupe de danseurs ?
C’est pour moi un immense travail depuis janvier 2022. Beaucoup d’entre eux sont issus de l’École de danse de l’Opéra, d’autres viennent de compagnies renommées mais ont envie de tenter d’autres expériences. J’ai pris le temps de donner des cours, d’aller au contact de tous les danseurs, de les assortir les uns aux autres. Car chacun doit se sentir valorisé dans un projet de création comme celui-là. Désormais, c’est presque une troupe de 26 danseurs, ce n’est pas anodin.
Quels sont les enjeux chorégraphiques d’une telle production ?
Pour moi, c’est un spectacle d’une exigence absolue, difficile pour les danseurs car c’est une version plus concise, avec moins de temps de respiration et de récupération. Il était une fois Casse-Noisette est beaucoup plus intense et plus diversifié que Mon premier Lac des cygnes. C’est aussi plus ardu à mettre en place, mais nous avons la chance d’être au Châtelet, qui est le deuxième plus grand théâtre parisien à l’italienne après l’Opéra Garnier, et convient à merveille à notre projet avec son côté un peu « bonbonnière », et surtout qui nous a permis d’avoir les facilités techniques que nous souhaitions. Je tiens à souligner le rôle exceptionnel du Théâtre du Châtelet dans son accueil, son attention et sa mise à disposition de moyens pour assurer cette production conséquente.
En quoi est-il important pour vous de remettre à l’honneur la danse classique chez les plus jeunes ?
C’est une éducation indispensable d’aller voir des spectacles vivants, donc de la danse, mais aussi d’écouter de la musique, de faire du sport ou de visiter des expositions. Pour la danse classique en l’occurrence il m’appartient de la rendre accessible à tous. C’est fondamental et tellement enrichissant pour l’imaginaire des enfants à l’heure ou la télévision ou les réseaux sociaux leur imposent des images. Mais la question de la mise en œuvre reste essentielle. Le Châtelet l’a particulièrement bien compris. Il y a des matinées scolaires, des places de spectacle et des ateliers d’initiation à moins de 10€. Il est très important pour moi de démocratiser le spectacle vivant, et la danse en particulier et je suis fier de présenter Il était une fois Casse-Noisette dans ce théâtre-là.
Allez-vous danser dans ce Il était une fois Casse-Noisette ?
Oui, il est prévu que j’interprète Drosselmeyer et Le Roi des souris qui revient danser et manger des gâteaux au deuxième acte.
Propos recueillis par Agnès Izrine