25 Nov. 2019

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Paris, Broadway, Londres, le monde et Paris encore…

En novembre 2014, lors de la création mondiale du spectacle au Théâtre du Châtelet, son chorégraphe et metteur en scène Christopher Wheeldon s’exprimait ainsi : « J’espère que nous pourrons emporter un peu de ce parfum parisien avec nous jusqu’à Broadway ». Il décrivait exactement ce que George Gershwin (1898-1937) avait déjà voulu faire lorsqu’il écrivit son concerto An American in Paris en 1928, lors d’un séjour dans notre capitale. S’inspirant des bruits et de l’atmosphère effervescente de la ville à la fin des années folles, le compositeur devint un ambassadeur et un amoureux de Paris.

Un musical pour la scène

Dès le succès du film éponyme de 1951, réalisé par Vincente Minnelli et couronné par six oscars dont celui du « meilleur film », la famille Gershwin cherchait à faire transposer ce chef-d’œuvre pour la scène. Aussi, l’idée d’une comédie musicale sur les planches à partir du long métrage dormait dans les cartons d’un certain nombre de producteurs depuis des dizaines d’années sans que le stade du concept fût dépassé. Christopher Wheeldon lui-même avait été pressenti pour des projets qui n’ont jamais abouti.
Inspiré par ce titre incroyablement stimulant et mythique, Jean-Luc Choplin, alors directeur du Théâtre du Châtelet, approcha les ayant-droits pour tenter de monter Un Américain à Paris… à Paris… Il s’avère que d’autres producteurs, américains, avaient eu la même idée pratiquement en même temps : Stuart Oken et Van Kaplan. Naturellement, une association se dessina alors entre Paris et l’autre côté de l’Atlantique. Après avoir assez rapidement organisé un workshop (un atelier de création du spectacle), l’excellent travail du Britannique Christopher Wheeldon permit aux producteurs de lever les treize millions de dollars nécessaires pour monter la production. L’aventure pouvait donc commencer.

Première mondiale

Les répétitions eurent lieu à New York pour des raisons de praticité ; les acteurs et danseurs engagés étaient quasiment tous Américains. En effet, les syndicats sont très regardants sur la nationalité de ceux qui foulent les planches de Broadway. L’idée séduisante de faire appel à une jeune danseuse française pour interpréter le rôle de Lise, comme une sorte d’hommage à Leslie Caron qui magnifiait le film, ne put se faire. La troupe arriva donc à Paris quelques semaines avant la grande première mondiale, le 22 novembre 2014, au Théâtre du Châtelet. Le travail du décorateur et costumier Bob Crowley (qui a œuvré sur près d’une trentaine de spectacles à Broadway), les lumières de Natasha Katz, et les orchestrations de Christopher Austin, tous récompensés aux Tony Awards en 2015, ont aussi permis aux Parisiens de découvrir ce que Broadway a de meilleur. Les ateliers du Châtelet fabriquèrent les décors et les costumes du show qui furent utilisés à Paris et transportés jusqu’à Broadway. Broadway ne s’est pas non plus trompé en récompensant Christopher Wheeldon du Tony de la meilleure chorégraphie : ses numéros, concoctés sur des airs légendaires, rappellent l’âge d’or de la comédie musicale américaine. Sur scène, afin d’éviter que les danseurs ne se fassent mal, les rails traditionnels qui font aller et venir les décors furent remplacés par des roulettes sous les éléments ; la scène devenant ainsi un véritable plateau de danse, permettant aux ornements de faire partie de la chorégraphie. Brillante idée.

Revisiter le scénario était chose indispensable ; c’est sans aucun doute la raison pour laquelle cette œuvre n’a pas connu les planches plus tôt. Un film n’est jamais transposé sur scène tel quel ; une adaptation est toujours indispensable. Le journaliste Christophe Schuwey écrivait lors de la création sur ForumOpera.com : « Il faut saluer d’emblée la qualité remarquable du livret : le magnifique travail de réécriture réalisé par Craig Lucas situe la pièce immédiatement après la libération de Paris, offrant ainsi à l’action et à ses protagonistes l’épaisseur et l’intérêt qui manquent un peu à l’œuvre originale. » De plus, dans le journal Le Monde du 20 novembre 2014, Renaud Machart relate une conversation avec Rob Fisher, l’arrangeur musical : « Le nouveau livret nous a fait rechercher de nouvelles chansons, certaines méconnues, d’autres célèbres, comme The Man I Love, qui ne se trouvent pas dans le film… ».

Nouveau pays, nouvelle affiche

L’arrivée à Broadway en mars 2015 se fait avec une nouvelle communication sobre et efficace : un poster bleu foncé, stylisant la Tour Eiffel et les deux personnages principaux, Jerry Mulligan et Lise Dassin, de dos et se tenant par la taille. Le musical subit aussi des changements, notamment une nouvelle fin du premier acte et quelques coupes pour en dynamiser la fluidité. An American in Paris devient immédiatement le hot ticket (le spectacle à voir) de la saison ; il sera joué 623 fois sur la Great White Way (la grande coulée blanche), l’autre nom que l’on donne à Broadway à cause de ses devantures de lumières. La critique est quasi unanime. Pour le New York Times, la production est « tout simplement admirable » et est « aussi bien une fête visuelle que musicale ». Pour le New York Post c’est « un show aérien, une douce caresse », tandis que USA Today trouve que Christopher Wheeldon a « construit un spectacle qui est somptueux aussi bien pour les yeux que pour les oreilles. »

Un succès qui continue

Non seulement Broadway a fait un triomphe à cet American in Paris, en lui attribuant quatre Tony Awards, mais ce musical a aussi été présenté en tournée américaine pendant pratiquement deux ans (2016-2018), de Boston à Milwaukee, en passant par une cinquantaine de villes. À Londres, au Dominion Theatre (2017), le spectacle a été filmé pour la postérité et diffusé au cinéma. Une production en japonais a fait sa première à Tokyo en janvier 2019. Une tournée internationale, distillant ce « parfum parisien » dans le monde entier, et notamment en Chine, nous permet ce come-back à Paris.

Par Patrick Niedo, auteur de trois ouvrages sur la comédie musicale

Le Théâtre du Châtelet a, depuis 100 ans, noué des liens avec Broadway. Son directeur Maurice Lehmann dans les années 1920 fit connaître au public Show Boat (Mississipi), The New Moon (Robert le Pirate) et, en 1950, Annie du Far-West, la version française d’Annie Get Your Gun (1946) d’Irving Berlin. On y créa la revue Black and Blue (1985) qui connut de beaux jours à Broadway par la suite. On y hébergea aussi les tournées internationales de A Chorus Line (1987) et de West Side Story (1991) et on y proposa une production de Hello, Dolly! (1992)… Sous la direction de Jean-Luc Choplin, le Châtelet devint l’un des hauts-lieux mondiaux de la comédie musicale permettant aux parisiens de découvrir ou redécouvrir cet art majeur.

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