26 Mars 2019
Rencontre avec Thierry Guignard
Les travaux au Châtelet ne concernaient pas que le bâtiment et la salle. Scénographe spécialisé dans les équipements scéniques, Thierry Guignard nous précise la nature des interventions entreprises ici sur la machinerie.
Les derniers travaux de rénovation importants concernant la cage de scène ont été réalisés en 1999. Cette campagne de travaux avait consisté à mettre en place toute une structure métallique indépendante de la charpente existante, afin de pouvoir supporter des équipements de machinerie motorisés et entièrement informatisés. Auparavant, les mouvements ou les déplacements de décors se faisaient manuellement. Il s’agissait donc de travaux très importants puisqu’ils touchaient la structure porteuse de la cage de scène, ce qui n’est pas le cas dans cette rénovation-ci.
La nouvelle tranche de travaux vise à donner davantage de capacité portante à cette machinerie scénique. Ceci afin de répondre aux nouvelles demandes, toujours croissantes, de décors plus volumineux et plus lourds qu’auparavant. Il a donc été nécessaire de changer l’ensemble des motorisations de la cage de scène. Les nouveaux groupes moteurs sont enfermés dans des locaux afin d’obtenir un silence de fonctionnement parfait. Ils permettront aussi une plus grande rapidité dans les changements de décors puisque la vitesse de déplacement des porteuses va passer de 1,20 m/s à 1,60 m/s. Ces deux critères, vitesse et silence de déplacement, sont essentiels pour créer la magie des effets scénographiques d’un spectacle.
Ces nouveaux équipements autoriseront également une meilleure variabilité et progressivité des vitesses. Ce contrôle informatisé, appelé « pilotage », permet de simuler, visualiser, enregistrer, mémoriser tous les mouvements de chaque porteuse, et cela en toute sécurité, car le souci de sécurisation de cet outil scénographique est le premier but à atteindre. De plus, tous les niveaux de travail sont équipés d’« arrêts d’urgence » pouvant, en cas de danger immédiat, bloquer toutes les manœuvres. Ainsi équipé, l’opérateur peut manœuvrer 14 porteuses simultanément, à pleine vitesse et à pleine charge.
Dans ce type de travaux, la difficulté consiste, pour la maîtrise d’ouvrage, à prévoir les remises à niveau qui seront nécessaires dans le futur pour maintenir l’outil technique en parfait état de marche. Cela implique, par exemple, des choix dans les matériaux, et de ce point de vue, l’équipe technique du Châtelet nous a apporté une aide précieuse sur ces questions de durabilité des outils de travail.
Une demande très importante de la Ville de Paris consistait à minimiser les consommations électriques. Nous avons donc installé un dispositif de réinjection de courant dans le réseau de façon identique aux dispositifs installés dans certaines voitures hybrides. Avec cette nouvelle technologie de machinerie intelligente, si les porteuses continueront à consommer de l’électricité lorsqu’elles monteront, à l’inverse, en descendant les charges, elles produiront du courant qui sera réinjecté dans le réseau général.
Afin d’augmenter les potentialités de l’espace scénique (scène et arrière scène) du Châtelet, l’arrière-scène a été équipée d’une structure permettant de supporter des équipements de machinerie complémentaires, car ces espaces sont aujourd’hui davantage utilisés que par le passé dans les scénographies contemporaines.
Précisons également que tous les réseaux électriques scénographiques, éclairage, sonorisation, vidéo sont entièrement remplacés. Jusqu’à maintenant, les réparations, compléments et améliorations successives avaient parfois conduit à des superpositions d’équipements. La Ville de Paris, qui finance la totalité de cette partie des travaux, a exigé que le dispositif des réseaux électriques scéniques soit entièrement remis à plat. Nous sommes donc repartis cette fois directement de la source électrique, après avoir démonté la totalité des réseaux existants. Les réseaux électriques des foyers, du hall ou du studio Nijinski ont été également revus de manière à ce que le Théâtre puisse être équipé d’écrans et de haut-parleurs de diffusion un peu partout.
En ce qui concerne la salle, nous avons réfléchi avec les architectes conseils, l’architecte mandataire Philippe Pumain et l’architecte du Patrimoine Christian Laporte, à la manière d’intégrer de nouvelles passerelles plus pratiques pour les éclairages, qui n’empiéteraient pas sur l’authenticité du décor de la salle. Nous avons imaginé des porteuses pouvant éclairer le proscénium, placées en avant-scène autour du cadre de scène afin de soutenir le nouveau système de diffusion et d’amplification du son ainsi que les éclairages.
À la différence de la salle où la rénovation se verra vraiment, tous les nouveaux aménagements seront invisibles ici pour le spectateur en ce qui concerne cette partie technique. Mais justement : nous aurons réussi notre pari si le public peut profiter du spectacle sans imaginer à aucun moment la complexité de la machinerie qui se cache derrière.
Dans ce type de travaux, la difficulté consiste à prévoir les remises à niveau qui seront nécessaires dans le futur pour maintenir l’outil technique en parfait état de marche.